Une séance thérapie avant ma mastectomie dans quelques jours !
Je suis photographe spécialisée en maternité mais aussi en Art - Thérapie, Fanny a souhaité un souvenir de son ancien corps avant le grand jour. Bientôt elle dira au revoir à son sein et renaîtra à nouveau pour devenir une nouvelle femme. Je lui est proposée d'écrire son témoignage, celui ci n'a pas été simple pour elle mais je ne peux que la féliciter de ce qu'elle a accomplie depuis le début de sa thérapie. N'hésitez pas à lui laisser un message :
TEMOIGNAGE DU 26/09/2021 "Séance Thérapie avant mastectomie " :
Je m'appelle Fanny, j'ai 36 ans, je suis maman de 2 petites filles de 3 et 5 ans.
Je suis née le 8 décembre, jour de l'Immaculée Conception. C'est une magnifique date d'anniversaire dont je suis très fière. En 2020, ce jour sera marqué par un autre événement : une mammographie de contrôle. Quand le médecin m'annonce que quelque chose ne va pas, je suis choquée mais pas surprise. Je m'y attendais. Je le pressentais depuis des semaines, tout en essayant de me rassurer « Ce sont sûrement des kystes, comme les autres fois ».
Très vite, je refais l'histoire : la prise en charge de ces boules aurait pu se faire bien plus tôt, mais pour diverses raisons elles ne l'a pas été. Je panique et me demande si ce temps perdu est celui qui me sera fatal. D'un seul coup aussi, mon avenir, mes projections futures se brouillent : « Est-ce que je verrai mes filles grandir ? Est ce que je vais mourir ? »
Voilà la première grande leçon de mon cancer : je ne peux ni changer le passé, ni intervenir sur l'avenir. Le seul moment sur lequel je peux agir, c'est le PRESENT. Ce fameux moment présent... Je vais maintenant enfin passer de la théorie à la pratique et investir complètement ce moment de VIE qui m'appartient. Mon quotidien se transforme : tout prend une ampleur décuplée , ma sensibilité se développe, je suis émue aux larmes par la beauté des petits riens et je me rends compte que le véritable temps perdu n'est pas celui de ma prise en charge, mais celui des années précédentes : celles où je me disais que je profiterais un jour, que je prendrais le temps quand je l'aurais, que je pourrais faire des choses quand une autre serait passée, réglée.. Je me rends compte que je n'avais rien compris ! Quand le cancer est arrivé, j'étais en colère parce qu'il -
arrivait à un moment de ma vie où je pensais que tout allait bien pour moi. Finalement, je réalise que je ne vivais qu'à dix pour cent.
Avec la chimio, j'ai perdu mes cheveux, mes sourcils et j'ai grossi. Je ne reconnaissais plus mon image dans le miroir. J'avais l'impression d'avoir perdu mon identité de femme et mon identité personnelle tout court. Si avec la chimio je me suis sentie malade, paradoxalement je ne me suis pas sentie vulnérable. Parce que c'est aussi à ce moment-là que j'ai ressenti quelque chose s'éveiller en moi : une force de vie immense, une sérénité et une plénitude. Je pense alors avoir découvert ce que signifiait avoir la FOI. Ce que je cherchais depuis toujours, à droite, à gauche, chez les autres, dans les livres, etc.. était en réalité juste là. Ce trésor était avec moi depuis toujours mais je ne l'avais jamais découvert, parce que je n'étais pas à l'écoute et que je le croyais ailleurs, à l'extérieur.
Aujourd'hui, quand je regarde les photos de moi il y a neuf mois encore, je ne me reconnais pas. Cette fille aux cheveux longs n'existe plus. J'ai eu besoin de virer toute ma garde robe car les vêtements ne me correspondaient plus. Je me sens aujourd'hui beaucoup plus en phase avec moi-même. Je me suis à la fois retrouvée et découverte.
Transportée par ce que le cancer m'a apporté et appris, j'affirmais même que c'était l'une des meilleures choses qui me soit arrivé dans ma vie. Mais cette formulation n'est pas vraiment exacte : « meilleure » ce n'est pas le mot. Dans mon discours, j'aurais aussi pu parler de toutes les pertes et souffrances qu'il m'a apportées. Il m'a secoué très fort. A plusieurs moments, j'avais l'impression de ne plus arriver à suivre, de me noyer. Mais poussée par cette étincelle de VIE, j'ai voulu transformer cette faiblesse en force, pour passer au mieux ce moment de vie suspendu.
Me voilà à la porte de la dernière étape de mon parcours et pas des moindres puisqu'il s'agit de la mastectomie avec reconstruction. Alors de l'extérieur, on a l'impression que finalement, ce n'est pas si terrible que ça. En effet, j'ai la chance d'avoir la possibilité d'être « reconstruite ». Et même si j'ai toujours râlé et critiqué cette poitrine tombante, que je ne trouvais pas jolie, ce sont MES seins. J'ai entendu le témoignage d'une femme « reconstruite » dire : « Le sein, même bien refait, ne sera jamais parfait. Celui qui est parfait, est celui qui est parti ». Touchée par ce témoignage, j'ai voulu immortaliser mon corps avant qu'il ne soit transformé. C'est une manière de garder un souvenir, de lui dire au revoir, de rendre hommage à ce sein qui aura grandi et évolué en même temps que je me suis découverte femme. Ce sein qui aura allaité mes filles durant quatre belles années et qui fait partie intégrante de moi.
Aussi, je remercie Angélique, qui a su capter par l’image et accompagner cet instant avec une grande délicatesse, en toute vérité et simplicité.
Je la remercie aussi de m'offrir cette possibilité de rendre publique cette initiative personnelle.
Durant mon parcours, j'ai eu l'immense bonheur d'être très bien accompagnée et soutenue. Je remercie du fond du cœur mon entourage médical et para-médical, personnel et professionnel de m'avoir porté et réconforté, de près ou de loin. Tous et toutes, vous avez été incroyablement généreux et je me suis sentie chanceuse de connaître cet AMOUR puissant autour de moi. Quand je n'arrivais pas à voler, vous avez été mes ailes. Merci de m'avoir donné cette hauteur et de m'avoir aidée à saisir toute la beauté des paysages lorsque j'étais dans le brouillard.
J'ai une pensée pour tou(te)s ces patient(e)s qui connaissent ce parcours du cancer ou de la maladie grave en général, pour tous ces proches qui accompagnent et qui souffrent aussi à leur manière, pour tous ceux et celles pour qui le combat est plus difficile ainsi que pour celles et ceux qui ont été vaincus par la maladie.
A mon sens, ce qui compte, c'est L'AMOUR, et ça, le cancer ou la mort ne pourront jamais l'atteindre.
Prenez soin de vous, aimez-vous les uns les autres.
« Quand l'amour est mort, on ne voit plus rien. On maudit le sort qui nous fait survivre, on a peur de vivre. » (Gilbert Bécaud)
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